Chapitre 4:

France II Navire de Croisière

Carte Postale. Collection Jehanno« Qui n'a fait un jour le rêve d'effectuer, à bord d'un yacht une longue croisière?

A notre époque de surmenage, il n'est pas de repos meilleur, physiquement et moralement. Mais il n'en est guère de plus coûteux. Le yachting ne peut être que le privilège de quelques uns; et les paquebots, malgré leur luxe, n'offrent souvent que l'apparence du confortable. On y loge à l'étroit, on n'y échappe pas aux exigences mondaines, et il y faut se plier à la contrainte d'une vie qui ne laisse guère place à l'indépendance et au repos. Pour peu que l'on veuille effectuer un long parcours, il faut en outre combiner les horaires de services différents, subir les longues attentes d'un passage de paquebot aux escales, et l'on a vite fait de n'éprouver que la fatigue et l'ennui du voyage au lieu d'en ressentir les bienfaits.

La vie de paquebot étant trop fatigante, et le yachting étant infiniment coûteux, il n'existait guère de moyen, jusqu'à ce jour, de demander à la mer le repos et le calme absolu qu'elle seule peut offrir. Et cependant, combien de gens surmenés, combien de convalescents, de "demi-malades" trouveraient dans une longue croisière, en même temps qu'une vie exempte de soucis, le soulagement qu'ils cherchent en vain , ou la guérison définitive qu'ils vont demander, le plus souvent sans succès, aux "stations" d'hiver et d'été, où les attendent, sous prétexte de distractions inévitables, de nouvelles fatigues et de nouveaux soucis!

Mais pour concilier ces exigences en apparences inconciliables : prix relativement peu élevé, grand confort, calme absolu, il fallait disposer d'un navire assez vaste pour que la place ne fut point mesurée et que ses aménagements pussent être combinés avec tout le luxe d'une installation moderne, à terre ; il fallait surtout que le fret de ce navire assurât aux armateurs des bénéfices suffisants pour leur permettre de consentir des prix de passage qui ne fussent que la juste rétribution des débours par eux effectués.

Les perfectionnements apportés aux moteurs à combustion interne (type Diesel) ont permis de résoudre le problème.

L'idée du navire mixte, utilisant le vent quand il est favorable, propulsé par ses machines quand il est contraire, est aussi vieille que la marine à vapeur. Mais le poids formidable des moteurs à vapeur et du combustible, l'encombrement énorme qui en résultait, le temps considérable nécessaire pour obtenir la pression, détruisaient l'avantage théorique de cette combinaison. Du navire à vapeur tout gréement disparut.

Le moteur à pétrole, si léger, si souple, toujours prêt à fonctionner, qui n'a pas besoin pour être alimenté d'un poids énorme de combustible, qui supprime l'encombrement démesuré des chaudières, peut, lui, s'adapter admirablement aux navires à voiles, et devenir quand il le faut l'auxiliaire véritable, suppléant le vent contraire ou absent. »

Voici, reproduit à l’identique, une partie du texte de la brochure éditée par la Société Anonyme des Navires Mixtes, en vue de promouvoir l’activité croisière de son nouveau navire France II.

On le voit, toute la conception du navire avait été déterminée en fonction de cette double vocation marchande et de plaisance.

L’idée était révolutionnaire et nécessitait des aménagements sur le navire qui ne l’étaient pas moins.

Les armateurs s’étaient donné les moyens de réaliser leurs objectifs et rien n’avait été laissé au hasard, comme l’expliquait la suite de la brochure, qui ne lésinait pas en détails et explications techniques.

L’activité croisière nécessitait l’assurance de deux grandes priorités : une sécurité et un confort irréprochables.

« Étudié soigneusement, le compartimentage offrait le maximum de sécurité à cette époque. Le navire était divisé en dix compartiments étanches et six cales dont les cloisons montaient jusqu’au bout principal de façon que le navire puisse flotter avec deux de ses plus grandes cales pleines d’eau.(...)

Des embarcations de sauvetage modernisées pouvaient assurer, et bien au-delà, la sécurité de tout le monde.» 

Système perfectionné de pompage, voiles standardisées facilement remplaçables... Tout avait été prévu.

Quant au confort, les aménagements du château central destiné aux passagers, ainsi que les services offerts, donnaient toutes les caractéristiques du luxe.

Voué à l’embarquement de peu de passagers, France II voulait résolument s’afficher dans un service haut de gamme.

« On accédait au château central par un grand fumoir situé sur le pont promenade et couvrant le grand escalier à double révolution.

Au bas de celui-ci se trouvaient sept vastes chambres, un grand salon, un salon de lecture-bibliothèque, une chambre noire pour photographie (...). Les cabines avaient chacune 12m² de surface (...). Très aérées par deux larges hublots, elles étaient éclairées la nuit par des appliques électriques (...). Toutes donnaient sur le grand salon meublé d’un piano (...). Des jardinières garnies de plantes vertes agrémentaient le tout.

La salle de bains, pourvue d’appareils modernes, permettait l’hydrothérapie la plus complète.

La salle d’opérations et ses instruments répondaient aux dernières exigences de la science; aucun paquebot n’en possédait de si complète.

La bibliothèque était munie des meilleurs livres et partitions.

Chaque jour, la T.S.F. y donnait les nouvelles du monde entier.»

 A ajouter « une nourriture aussi abondante et aussi soignée que dans les meilleurs hôtels » et un confort d’autant mieux assuré aux passagers que le navire, très stable, roulait peu, même par gros temps.

Le personnel, marins comme officiers, avait également droit à un certain confort, inhabituel pour les équipages d’alors.

Lacroix de conclure qu’ « aucun paquebot à flot de ce temps n’offrait pareils avantages. »

Et certes, ce que voulaient offrir les armateurs de France II à leurs quelques heureux passagers, n’était pas le confort, même luxueux, d’un paquebot, mais véritablement les services équivalents à ceux d’un yacht.

 

La brochure publicitaire ne mentait pas.

France II se vit décerner par le Commandant Charcot, Président d’Honneur du Yacht Club de France, le Grand Guidon de la Ligue Maritime Française.

Un fois encore, France II recevait les honneurs.

Que fut-il exactement de l’activité croisière de France II au cours de ses onze ans de carrière?

Nous ne disposons, à l’heure actuelle, d’aucun document relatif à ce sujet.

Nos savons que France II a effectivement embarqué des passagers, notamment pour son premier voyage à destination de la Nouvelle-Calédonie. Nulle mention n’en est faite par la suite.

La guerre, la mort de Henri Prentout, fin 1915, et enfin la vente du navire à la Compagnie Française de Marine et de Commerce qui décida de se passer des moteurs, eurent, sans aucun doute, raison de cette activité pour laquelle France II avait été si admirablement pensé.

Repères bibliographiques

  • Les Derniers Cap-Horniers Français de Louis LACROIX, Capitaine au long cours et expert maritime; Editions Maritimes & d’Outre-Mer - 1968.

  • Le témoignage du Capitaine Lucien LEFEVRE, qui fut capitaine en second sur France II, dans son Histoire de la Voile; Imprimerie Nouvelle, Nouméa - 1955.

  • Enfin, Les Grands Voiliers, Les Albums du Chasse-Marée - 1989.

  • Le Chasse-Marée, Avril 1985, article de Philippe Godard, auteur du "Mémorial Calédonien"

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© France II Renaissance  05 May 2007